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Commentaires sur la Paracha Ki Tavo, par le Rav Nahum Botschko (Jerusalem, ISRAEL)
Parachat Ki Tavo
L’apprentissage de la liberté
« Tu as glorifié aujourd’hui Hachem, afin qu’Il soit ton Dieu, de marcher dans ses voies… Et Hachem t’a glorifié en te conviant à être Son peuple privilégié… » Le verbe ici traduit par « glorifier » a donné lieu à de nombreuses interprétations de la part des commentateurs.
Le Malbim en mentionne deux : d’une part, il s’agirait d’exalter et de magnifier et, d’autre part, de séparer, prélever et mettre à part (cf. Rachi). Le Malbim, quant à lui, l’entend comme ayant le sens de consécration comme dans une relation de mariage, manifestant l’alliance particulière unissant Israël à Dieu à l’initiative de Celui-ci. Mais pourquoi ce lien doit-il être renforcé ? L’alliance a déjà depuis longtemps été contractée, avant même l’Événement du Sinaï. Depuis lors Israël est le peuple que Dieu S’est spécifiquement attaché d’entre tous les peuples. Israël a accepté la gageure du service divin ; pourquoi Hachem considère indispensable de renouveler en quelque sorte le lien de l’alliance pour le rendre plus solide, avant l’entrée en Eretz-Israël ?
Le Malbim apporte trois réponses à cette question : 1. Moïse est sur le point de mourir avant l’entrée d’Israël sur sa terre. Israël n’aura plus de prophète de l’envergure de Moïse. Il faut donc renforcer l’alliance du vivant de Moïse. 2. L’alliance du Sinaï concernait la vie dans le désert, sous une direction miraculeuse. Il faut maintenant contracter une alliance avant l’entrée dans le Pays où l’existence se déroule selon les processus et lois naturels. 3. Les générations à venir auraient pu arguer que l’alliance contractée au Sinaï ne concernait que ceux qui avaient vécu l’esclavage d’Égypte et la délivrance miraculeuse accompagnée de signes et de prodiges. Ils étaient contraints d’écouter la parole divine afin de survivre. Mais nous, nous vivons sur notre terre, nous savons comment le monde libre fonctionne. Nous ne sommes plus tenus aux termes de cette alliance. C’est pour cela qu’Hachem contracte une alliance nouvelle afin qu’Israël accepte la Thora et les commandements sans les sons et la foudre qui caractérisèrent l’Événement du Sinaï.
En reliant les unes aux autres toutes ces explications, la raison pour laquelle Israël doit renouveler et renforcer en cette circonstance les termes de l’alliance devient très claire. Il lui faut comprendre qui il est et quelle est sa tâche dans l’histoire de ce monde et il pourra ainsi agir en conséquence en entrant dans son pays.
Si pourtant nous examinons de plus près les explications du Malbim, nous y trouvons une définition qui propose un important renouvellement de sens : le temps du séjour dans le désert était pour Israël une période pendant laquelle la Thora lui était imposée. Les Hébreux n’étaient pas libres de vouloir ou de ne pas vouloir se soumettre à la souveraineté divine. La situation comportait un certain nombre de facteurs puissants qui, combinés, contraignaient Israël à « servir » Dieu. Point d’échappatoire et point de liberté ! 1. En présence d’un chef de la trempe d’un Moïse, dont la stature spirituelle est humainement indépassable, qui parle avec Dieu Face à face chaque fois qu’il le désire, il est impossible de ne pas l’écouter. 2. Lorsque toutes les conditions de l’existence sont assurées par des miracles permanents, la manne, le puits de Myriam, les vêtements qui ne s’usent pas, les nuées de gloire qui aplanissent le chemin et repoussent obstacles et ennemis, il est impossible de ne pas être spirituellement surélevé au-dessus de soi-même. 3. Cette génération ne pouvait pas se montrer ingrate face à l’événement de la Sortie d’Égypte affirmé des le premier des Dix commandements : « Je suis Hachem ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte. » Ceux qui ont souffert de l’oppression égyptienne et en ont été délivrés par une puissance suprême, « par une main forte et un bras tendu », qui ont vu leurs ennemis mortellement frappés sous leurs yeux, comment pourraient-ils contester l’autorité de Celui qui les a comblés de ces bienfaits miraculeux ? Maintenant, au moment de l’entrée en Eretz-Israël, Israël se trouve devant une situation radicalement nouvelle : tous ces dons miraculeux sont sur le point de disparaître. Cette génération n’est pas celle qui est sortie d’Égypte. Moïse n’entrera pas dans le Pays. Et en Eretz-Israël, le monde fonctionne conformément aux lois de la nature… Le Saint béni soit-Il a amené Israël au point où il redevient susceptible de pouvoir choisir librement sa destinée. Il n’est plus contraint d’accepter la Thora à la manière d’un diktat. Le service de Dieu est devenu une conduite librement consentie et donc plus authentique. Il faut donc maintenant renouveler le contrat d’alliance pour que le peuple d’Israël reçoive ce renfort de prise de conscience de soi et de sa spécificité. Qu’il comprenne mieux ce que signifie la souveraineté de Dieu sur le monde.
Il en va de même dans l’éducation des enfants. Le choix du bien doit être libre et volontaire et non le résultat d’une contrainte. Le libre arbitre distingue l’homme d’entre tous les êtres vivants et l’homme préfère se savoir libre et pouvoir choisir, plutôt que d’avoir à se soumettre à une volonté autre que la sienne. Les parents doivent éviter autant que faire se peut de contraindre l’enfant, en particulier dans les conduites religieuses, parce que par nature l’homme se rebelle face à la contrainte et qu’il a soif de liberté. Un enfant qui fait des choses parce qu’il y est contraint se rebellera et refusera de les faire lorsqu’il aura grandi pour se prouver à soi-même et prouver aux autres qu’il possède le libre arbitre et qu’il n’agit pas seulement parce qu’il y est obligé. Par contre, si on permet à l’enfant de choisir et de faire ce qui est bien par son libre choix, il fera de même à l’avenir, parce que c’est sa volonté et non la volonté d’un autre. Par exemple, si un enfant prie parce qu’on l’a obligé à le faire, il est à craindre qu’il ne prie pas à l’avenir, non parce qu’il renie la prière, mais parce qu’il affirme sa liberté par le fait qu’il ne prie pas. Mais si les parents donnent à l’enfant le choix de prier ou non, il n’éprouve plus le besoin de se révolter et de ne pas prier pour prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. Il est bien évident, certes, que l’éducation des enfants est un sujet complexe, et l’éducation à la pratique des mitzvoth en est un domaine particulièrement délicat ; impossible de fixer des règles immuables et absolues qui seraient les seules vraies et les seules bonnes. Il faut, avec chaque enfant, moduler la conduite en fonction de son caractère et de son tempérament. Toutefois, la question du libre arbitre doit toujours être présente et il faut aspirer à ce que l’enfant en soit imprégné, parce que les résultats sont hautement satisfaisants.
Chabbat Chalom Nahum Botschko
Traduit par Rav E. Simsovic